Philippe Guillemant

Un univers d'informations

Des réalités parallèles

Un résumé en 20 minutes

Introduction à la physique de l'information

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VERS LA PHYSIQUE DE DEMAIN...

La physique de l'information

La physique de l’information est une branche émergente de la physique issue de la rencontre entre la théorie de l’information et la physique théorique. Les physiciens ont de plus en plus de raisons de penser que l’information pourrait être une grandeur physique et que notre univers lui-même pourrait être un univers d’informations physiques. Dans cet univers le temps et l’espace pourraient finir par être considérées comme des illusions produites par la conscience, comme le suggère l’allégorie de la caverne de Platon ou sa version moderne incarnée par le film Matrix.

Cette nouvelle physique n’a toutefois pas vocation à rester purement théorique en se contentant de nous fournir un regard philosophique différent sur le monde physique. Elle possède un réel potentiel technologique car elle nous conduit à développer des outils très avancés pour étudier la création du monde physique à partir d’informations qui entrent littéralement dans l’espace-temps. Cette entrée d’informations aurait lieu à l’interface entre notre monde physique bien réel et un monde quantique virtuel où tous les possibles coexistent avant que l’un d’eux ne soit observé et se "cristallise" ainsi dans notre réalité.

L’observation ne constituerait cependant pas le seul moyen de faire entrer des informations dans l’espace-temps. Elle pourrait initier un processus de décohérence en cascade qui ferait entrer à lui seul une quantité beaucoup plus considérable d’informations, afin d'intégrer la nouveauté dans un univers de causalité. L’information serait donc avant tout quantique avant de devenir une information physique (classique) et la physique de l’information devra donc s’intéresser aux transitions d’états “quantique vers classique”, mais aussi aux transitions inverses “classique vers quantique” qui constituent le sujet sur lequel je travaille.

L’une des premières approches technologiques de cette nouvelle physique est constituée par ce qu’on appelle la physique de l’information quantique, dont les applications concernent déjà la cryptographie quantique qui permet de fabriquer des clés inviolables, et bientôt les ordinateurs quantiques doués de capacité de calcul massivement parallèle. Le résultat du calcul effectué par un tel ordinateur sera la résultante de très nombreux calculs effectués simultanément en exploitant la possibilité que nous offre la mécanique quantique de superposer des réalités non encore manifestées dans le monde physique, ce qui a de quoi donner le vertige...

A l’image de ces applications impressionnantes, la physique de l’information transporte avec elle un changement de paradigme encore plus impressionnant de par sa capacité à transformer radicalement notre vision du monde. Ce changement radical provient de la prise de conscience que l’usage démesuré du hasard que fait la physique moderne dans ses équations (à toutes les échelles: physique quantique, physique statistique et cosmologie des trous noirs) est un témoin direct de l’oubli d’une grandeur fondamentale, exprimée par le hasard lui-même, lequel ne serait ni plus ni moins, sous sa forme indéterministe, que de l’information physique dont les physiciens ignorent encore la provenance.

La physique a en effet éliminé dans les années 80 l’explication selon laquelle le type crucial de hasard qui défie les physiciens et a notamment dérangé Einstein jusqu’à sa mort serait issu de notre ignorance des causes. Il s’agit au contraire d’un hasard indéterministe qui correspond à une information non déjà présente dans notre univers, sa “valeur” étant non calculable car dénuée de causes, c’est à dire indépendante de toute autre information physique déjà existante. Il s’agirait donc bien d’une entrée d’information que l’on peut qualifier de création.

La prise de conscience de cette réalité permet dans un premier temps de régler le conflit fondamental qui opposait Einstein à la mécanique quantique, symbolisé par sa fameuse négation “Je refuse que Dieu joue aux dés”. Il suffit de remplacer le concept d’un tirage au sort fait par la nature par celui d’une information qui entre dans notre univers physique et dont il est inutile de rechercher les causes à l’intérieur de cet univers: il faut les rechercher ailleurs. Mais cette prise de conscience va plus loin en nous incitant à nous débarrasser - dans la pratique - du vieux dogme du déterminisme: le fait qu’une telle information de type “Hasard” n’ait plus à être niée mais au contraire étudiée ouvre un fabuleux champ d’étude qui consiste à l’analyser afin d’en étudier le contenu éventuellement structurant ou orienté – voire dirigé – ce qui est pour le moins audacieux mais indispensable à l’évolution de la science.

Les conséquences de cette libération du dogme emprisonnant que constitue le déterminisme concernent probablement moins le domaine quantique que l’échelle macroscopique du vivant et de tous les phénomènes dissipatifs et chaotiques pour lesquels on sait déjà que le hasard peut jouer un rôle fondamental et structurant. La physique de l’information nous positionne ainsi au seuil du plus grand défi que doit encore aujourd’hui résoudre la science et qui est celui de la compréhension de l’émergence du vivant et de toutes les manifestations physiques de la conscience à l’origine de toute observation.

Ce grand défi a réellement vu le jour dans les années 80, alors que j'étais jeune physicien. A cette époque j'ai été captivé par deux résultats fondamentaux de la physique moderne, pour ne pas dire des deux physiques modernes qui n'arrivent toujours pas à s'entendre, la mécanique classique et la mécanique quantique, bien que deux théories de grande unification oeuvrent avec succès pour les concilier (succès à confirmer au niveau expérimental):

  • En mécanique classique, les théories du chaos et des systèmes dissipatifs nous faisaient découvrir la possibilité de l'indéterminisme macroscopique, activement soutenue par le physicien et chimiste belge Ylya Prigogine (Prix Nobel)
  • En mécanique quantique, la fameuse expérience EPR des particules jumelles nous faisait découvrir la réalité de l'indéterminisme quantique, gràce au physicien français Alain Aspect (Médaille d'Or du CNRS).

Or qu'est-ce que la découverte de l'indéterminisme, si ce n'est l'entrée en physique moderne d'un Hasard fondamental - car dénué de toute cause - qui préside à l'évolution de tous les systèmes, qu'ils soient microscopiques (le hasard quantique) ou macroscopique (le hasard du vivant). A ce titre, on pourrait dire que les plus grands religieux de la planète sont ceux qui croient encore au Dieu Hasard, en l'occurence les les scientifiques encore matérialistes: ils n'ont plus qu'à choisir entre cette religion ou... laisser tomber la physique.

Ily Prigogine n'a cependant pas réussi à convaincre la communauté scientifique internationale, faute d'arguments scientifiques réellement traductibles en équations. Mon principal objectif de physicien a toujours été de poursuivre sur la voie qu'il a ouverte pour démontrer la réalité scientifique de l'indéterminisme macroscopique, qui débouche à mon sens sur la physique de l'information.

Alain Aspect a quant à lui réussi à convaincre la communauté internationale, non sans heurts au début qui ont agité le "spectre" de la parapsychologie, et ceci bien qu'il ait fallu attendre l'aube des années 2000 pour que ses expériences soient vérifiées et étendues, notamment par Antoine Suarez qui en a conclut:

<< Pour avoir une matière qui fonctionne de façon sensée, nous avons besoin d'une coordination qui n'est pas matérielle >>

Pour terminer cette introduction à la physique de demain qui pourra difficilement éviter à mon sens la question de la matérialisation de l'information, il me semble opportun de revenir sur l’expérience cruciale qui a été le point de départ de ces deux concepts révolutionnaires clés: l’indéterminisme et la non localité, mis en évidence par l'expérience d'Alain Aspect: