Philippe Guillemant

Hasard et coïncidences

La synchronicité: balise de l'esprit

Esprit et conscience

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ESPRIT ET CONSCIENCE

... et le théorème de Gödel

x-x

Les synchronicités sont par définition chargées de sens pour les personnes qui les vivent, au point qu’elles leur apportent parfois un enseignement très important car susceptible de modifier leur vie. En revanche, les coïncidences étranges n’ont pas clairement de lien établi avec la conscience ou l’état d’esprit. Elles sont ainsi beaucoup plus aisément mises sur le compte du hasard.

Pourtant, dans le mécanisme des  hasards et coïncidences étranges que nous proposons, il apparaît un lien possible entre la volonté du sujet et la coïncidence, qui peut par exemple  s’exprimer sous la forme d’un projet : le sujet cherche à acheter une maison puis un jour, sans avoir cette idée en tête il rencontre dans la rue, par un hasard tout à fait improbable, un vieil ami connaissant une personne qui vend justement une maison correspondant à ses critères.

Le fait que le sujet oublie momentanément son souhait d’achat est la raison pour laquelle le lien entre coïncidence et conscience n’apparaît pas dans cet exemple. Il peut même y avoir un grand écart temporel entre le jour où son projet d’acquérir une maison a été forgé et le jour où la coïncidence s’est produite pour en permettre la réalisation.

Nous allons donc partir du principe qu’un lien existe bel et bien entre les “coïncidences étranges” et la conscience, mais que ce lien parait mystérieux parce que nous ne comprenons pas son mécanisme, étant donné qu’il peut mettre en jeu un écart temporel important.

Il se pourrait que d’une façon plus générale,  le lien entre une coïncidence étrange porteuse de chance et la personne qui en bénéficie ne soit obscur que parce que le caractère atemporel de ce lien nous empèche de penser sérieusement à un tel lien. Ce n’est évidemment pas le cas des synchronicités où la coïncidence et sa signification apparaissent en même temps à la conscience du sujet.

La physique de l’information peut nous apporter un éclairage intéressant sur le lien entre les coïncidences et la conscience, car elle propose deux fonctions à la conscience dont l’une est justement atemporelle:

  • La première fonction de la conscience serait celle de l’attention, elle serait liée à l’observateur en oeuvrant exclusivement dans le temps présent.
  • La seconde fonction de la conscience serait celle de l’intention et serait liée à l’état d’esprit : elle agirait de façon atemporelle sur notre chemin de vie.

L’esprit est défini dans notre approche de la physique de l’information comme une source d’informations externes à l’espace-temps qui serait susceptible de modifier d’un seul bloc la ligne temporelle du sujet concerné. On peut aussi considérer ces informations comme partie intégrante de l’univers à condition de les relier à des dimensions supplémentaires de l’espace.

Cette définition relie clairement l’esprit au libre arbitre, dont nous avons vu (lien ci-dessus) qu’il pouvait être un facteur important d’accroissement des coïncidences. L’état d’esprit serait donc le vecteur de réglage des choix effectués par le libre arbitre, c’est-à-dire des informations qui pourraient modifier la ligne temporelle du sujet. Rappelons que dans un espace-temps 4D ou qui ne recevrait pas d’informations externes, le libre arbitre serait impossible. En revanche, dans un espace-temps à 10 dimensions par exemple, ou qui sans avoir de dimensions supplémentaires pourrait recevoir des informations externes, le libre arbitre s’exprimerait par l’intermédiaire de ces informations additionnelles.

La particularité la plus intéressante de ces informations externes serait donc qu’elles agissent de façon atemporelle – en bloc – sur l’ensemble d’une destinée. Il est donc possible de relier ainsi la conscience d’un projet avec sa réalisation par le biais d’une coïncidence.

Cela pose toutefois des problèmes, car le lien entre la conscience et le libre arbitre est loin d’être évident :

Dans ma conférence << Le point de vue d’un physicien sur la conscience >> j’ai insisté sur la possibilité que la conscience ne joue qu’un rôle purement passif, dans le cas où les informations en provenance de l’esprit ne parviennent pas à entrer dans la conscience du sujet. Dans cette hypothèse l’homme fonctionnerait comme un automate ou sous l’emprise de son ego (figure ci-dessus).

D’autres problèmes s’interposent d’autre part lorsqu’il s’agit d’attribuer une fonction de libre arbitre à la conscience. Nous allons maintenant développer ce point.

La conscience est un phénomène très mystérieux, bien plus mystérieux que son contraire, l’inconscience, qui peut être considérée comme l’état ordinaire de tout automate aussi perfectionné soit-il, si ce n’est de la matière elle-même. Il est pour commencer impossible de définir objectivement ce qu’est la conscience puisqu’elle est le siège même de la subjectivité.

On pourrait alors de façon simpliste la confondre avec notre activité cérébrale en observant que tout se passe comme si notre conscience en était le produit. Oui mais quel genre de produit ?

Ce n’est pas parce que notre conscience semble être produite par notre cerveau qu’elle l’est réellement, car elle n’a en fait absolument rien de commun avec un produit. Tout produit ressort en effet d’un procédé et donc de causes mécaniques, or en ce qui concerne la conscience, personne n’a jamais mis en évidence son mécanisme de production. Encore faudrait-il déjà savoir où cette production a lieu et sous quelle forme. Cette question du siège de la conscience n’a à ce jour jamais été résolue.

Nous ne savons pas non plus à quoi nous sert réellement notre conscience. Nous sommes par exemple tous capables de faire de nombreuses choses inconsciemment, y compris des taches très complexes. Il nous arrive même de croire que nous sommes conscients alors qu’à posteriori nous nous rendons compte que ce n’était pas le cas, juste après le réveil par exemple. Il semble ainsi qu’il existe des degrés de conscience très distincts, et que du point de vue d’un certain degré de conscience (ou d’éveil), on puisse considérer que les degrés inférieurs correspondent à des états inconscients.

Relier la conscience au libre arbitre pose donc un sérieux problème a priori. On pourrait en effet penser que si nous sommes conscients plutôt qu’inconscients, c’est parce que nous sommes différents d’une machine et que nous avons à ce titre une capacité de choix, permise par notre niveau de conscience au moment du choix.

Or qu’en est-il de nos choix conscients mais totalement conditionnés ? Quid des choix que nous faisons dans un état de conscience où nous nous sentons libres, alors que nous nous rendons compte par la suite que notre liberté était en fait illusoire ? Comment réagir lorsqu’un plus grand état de conscience nous révèle que nous avions précédemment fait des choix qui n’étaient pas bons car sous l’emprise de nos émotions ?

Il semble donc impossible d’estimer un instant passé de notre vie comme ayant été vécu librement, c’est-à-dire conformément à ce que nous sommes, car cette estimation peut tout à fait changer durant un meilleur état de conscience futur.

Inversement, on peut réaliser inconsciemment c’est à dire par réflexe des prouesses remarquables, comme par exemple certains beaux gestes ou actes de bravoure où manifestement des choix reconnus comme libres ont été effectués. Pour anoblir le geste on parlera alors de présence d’esprit plutôt que de réflexe.

On remarquera cependant que si la conscience a pu être inexistante durant l’action reflexe, elle n’était pas nécessairement absente dans le passé qui a permis l’acquisition de cette faculté de présence d’esprit. Autrement dit, si l’état d’urgence ne nous permet pas de conserver un plein état de conscience de soi durant l’action, cela ne signifie pas que l’action n’a pas été orientée par la conscience. Cette orientation a parfaitement pu être programmée par la conscience dans le passé, lors d’un apprentissage de la vie qui nous a prédisposés à ce réflexe.

Nous revoilà donc en face du point clé déjà dégagé précédemment: on peut sauvegarder le rapport entre conscience et libre arbitre à condition de dissocier le « temps de la conscience » du « temps de la réalisation du choix » !

On peut ainsi réaliser des choix libres et authentiques de façon inconsciente, sachant qu’ils ont été façonnés au préalable de façon consciente dans le passé. C’est aussi une façon de répondre aux arguments lassants de certains neuroscientifiques qui s’évertuent à nier purement et simplement l’existence du libre arbitre en observant les corrélats neuronaux de la conscience.

Il apparaît ainsi que la conscience peut tout à fait mettre en œuvre notre libre arbitre, mais que cette fonction n’apparait pas aisément car elle est atemporelle : elle n’agit pas sur le présent mais programme directement le futur, et possiblement de façon d’autant plus lente ou inefficace que notre niveau de conscience est insuffisant.

Or, dans l’hypothèse scientifiquement acceptable où nos multiples futurs potentiels seraient déjà réalisés – bien que nous soyons probablement enfermés dans l’un d’entre eux, ce constat entraîne une capacité d’action hors du temps de la conscience sur les probabilités de ces potentiels. Cela revient à dire que l’univers ne nous attend pas pour construire peu à peu notre futur et que cette construction commune se fait bien sous le contrôle de notre conscience.

Une question subsiste alors: lorsque nous sommes entièrement conditionnés dans le présent, à quoi nous sert notre conscience puisqu’elle ne peut plus agir sur notre futur ?

Nous proposons que notre conscience puisse dans ce cas toujours nous servir à préparer une prise de conscience de nos actes afin d’en déceler éventuellement les véritables causes ou motivations. Elle nous positionne à minima en capacité d’observer le fonctionnement de notre automate intérieur et en particulier d’observer notre égo, son maître. Si notre conscience n’est pas rendue trop passive par ce fonctionnement automatique de l’égo, nous pouvons encore choisir de constater que nous sommes mus automatiquement sous son emprise, durant une situation d’échec de l’égo par exemple. A contrario il nous reste le choix de croire naïvement que nous agissons librement, de nous en enorgueillir même et d’alimenter ainsi notre égo d’une illusion dont il raffole,  puisque notre conscience, si elle n’est pas trop passive, nous offre la possibilité de ne pas faire cette erreur. En quelque sorte tout se passe comme si nous étions encore à demi endormis et donc toujours prêts à nous éveiller lorsque nous faisons systématiquement cette erreur. Or ceci éclaire la problématique que nous avons soulevé sur les degrés de conscience : quelque soit ce degré il subsiste toujours une possibilité d’évolution vers un plus grand niveau de conscience.

S’il y a donc effectivement un lien entre conscience et libre arbitre, il repose avant tout sur notre compréhension ou connaissance de nous-mêmes. L’exercice de notre libre arbitre exige ainsi que nous ayons une bonne compréhension des motivations qui nous animent réellement, compréhension qui nous est permise par la fonction d’observateur de la conscience, cette fonction nous permettant d’observer notre propre fonctionnement.

A défaut d’une connaissance intérieure ainsi acquise, l’automate auquel nous persistons à céder nos décisions au travers de notre égo aura tendance à renouveler sans cesse les situations qui lui permettront d’entretenir l’image la plus rassurante dont il a besoin, faute d’une conscience suffisamment éveillée. Il s’agit d’un fonctionnement erroné car purement automatique et nous faisant renouveler toujours les mêmes erreurs.

Aussi longtemps que notre identité authentiquement libre reste ainsi masquée par l’égo avec la complicité d’une conscience passive, nous sommes alors soumis à la mécanique de la souffrance qui est peu à peu générée par l’échec de l’ego, mais bien plus encore par le fonctionnement entropique de son automate. On sait en effet qu’une machine qui n’est pas contrôlée de l’extérieur par un système d’informations suit inexorablement la loi de croissance de son entropie qui amène à l’augmentation inéluctable de son désordre. A vouloir ainsi nous forcer à fonctionner comme une machine en nous privant de la source d’informations internes que constitue l’esprit, nous ne pouvons donc rester en bonne santé que si nous nous soumettons à un système de contrôle externe.

La machine que nous avons en charge ne peut en réalité fonctionner durablement sans son véritable maître, l’être intérieur ou l’esprit qui dispose des informations qui peuvent réellement préserver notre équilibre vital. La maladie peut alors être considérée comme le principal indicateur de la destitution de l’esprit: elle est l’expression même du désordre entropique qui s’installe inévitablement dans tout système au fonctionnement purement mécanique.

La conscience à l’état passif semble donc nous servir à conserver une chance d’évoluer dans le temps présent vers plus de maitrise de soi, ce qui est nécessaire lorsque nous confondons trop souvent le véritable maître de notre machine avec le pilote automatique que constitue notre égo. D’autre part elle nous permet à l’état éveillé de faire des choix authentiquement libres c’est à dire qui modifient réellement notre ligne de vie hors du temps présent, lorsqu’enfin notre esprit ou être intérieur parvient à prendre lui-même les commandes : nous devenons alors le véritable acteur de notre vie.

Cette prise de commande par l’esprit ou être intérieur associe donc les deux fonctions distinctes de la conscience que sont l’observateur dans le présent et l’acteur hors du temps, c’est à dire celui qui fait des projets. La première fonction d’observation opère au temps présent, la conscience permettant à notre organisme de devenir un observateur voire un capteur du monde qui l’environne, intérieur comme extérieur. La seconde fonction d’acteur, donc de création, opère hors du temps présent en modifiant notre ligne temporelle de vie dans le sens voulu par la conscience. Elle est donc liée à l’intention.

Pour réaliser cette seconde fonction essentielle de façon créative, il nous faut donc tout d’abord identifier le pilote automatique que constitue l’égo pour le “désactiver”. Ou tout au moins puisqu’il est utile, faire en sorte que notre conscience fasse autre chose que de l’entretenir comme s’il était notre vraie personnalité, alors que ce pilote automatique n’est en réalité qu’un instrument sans âme. Si nous n’avons plus besoin d’observer ce faux miroir de nous-mêmes et que nous devenons ainsi capables de réellement nous auto – observer, c’est à dire observer nos actes et surtout nos pensées comme si nous étions quelqu’un d’autre, nous pouvons alors vivre en toute conscience au temps présent pour découvrir notre véritable être intérieur. Dans un second stade, ce dernier pourra alors nous instruire sur le sens de notre vie, qu’il est seul à connaître, et faire ainsi émerger nos intentions authentiques.

Bien entendu, nous sommes la plupart du temps contraints par différents facteurs sociétaux de réaliser dans le présent des choses qui nous sont imposées et qui résultent de notre passé, choses que l’on ne peut abandonner facilement afin de consacrer notre présent à vivre en conscience. Aujourd’hui plus que jamais, force est de constater que nous vivons dans une société qui restreint de plus en plus nos possibilités de dégager du temps pour vivre réellement dans le présent, nous transformant ainsi peu à peu en esclaves.

Cette situation est de nos jours entretenue par la croyance matérialiste que la conscience est un pur produit de notre cerveau, ou encore que l’Esprit en tant qu’entité immatérielle (informations pures) n’existe pas. Cette croyance, qui va souvent de pair avec l’athéisme, est solidement ancrée dans notre population bien instruite et s’accompagne généralement du jugement qu’il serait niais de penser le contraire.

Pourtant, il est aisément démontrable, sans même faire intervenir la moindre donnée scientifique à l’appui de l’existence de l’Esprit, que la niaiserie est plutôt située du coté matérialiste, c’est-à-dire purement mental. Les personnes bien instruites et souvent très intelligentes, parce qu’elles ont un mental trop développé pour laisser la porte ouverte à l’esprit, tombent en effet systématiquement dans le piège du raisonnement ahurissant qui suit:

<< Puisque notre activité cérébrale est parfaitement mécanique et corrélée à notre conscience, ce que l’on identifie aussi bien globalement au travers de l’activation de zones du cerveau que localement via les interactions biochimiques entre synapses et neurones, alors notre conscience est un phénomène “émergent” issu de cette activité >>

Voila comment l’utilisation de la notion vaporeuse d’ “émergence” semble définitivement régler un problème vieux comme le monde. Il faut savoir que l’idée d’”émergence spontanée du vivant” a été très à la mode dans les années 80 lorsque la théorie du chaos et des systèmes dissipatifs s’est trouvée boostée par le développement de la microinformatique, en même temps que les automates cellulaires, le jeu de la vie, et plus tard les réseaux de neurones…

L’illustre physicien Stephen Hawking, pour conserver un point de vue déterministe, est tombé dans le « piège » de la séduction technique engendrée par la notion d’émergence héritée de cette mode, je le cite:

<< L’exemple du jeu de la vie de Conway montre que même un ensemble de lois très simples peut faire émerger des propriétés complexes semblables à celle d’une vie intelligente >>  (“The Great Design”, 2011)

Il est effectivement tout à fait possible de créer artificiellement un système qui donne l’apparence d’une vie intelligente: je l’ai expérimenté moi-même en tant que spécialiste de l’intelligence artificielle, auteur de nombreux systèmes à réseaux de neurones et de cerveaux visuels pour robots industriels ou humanoïdes, mais je n’ai jamais trouvé de magie d’émergence de la conscience, bien que j’eusse naïvement adhéré à cette idée au départ. Je n’ai constaté que l’émergence d’une intelligence visuelle parfois impressionnante mais sans libre arbitre.

C’est même cette expérience poussée très loin qui a fini par me convaincre du contraire : pour fonctionner correctement, un robot a besoin d’un contrôle extérieur qui veille à apporter les informations indispensables pour préserver la cohérence de son système. J’ai trouvé par la suite la confirmation de ce que mon expérience m’avait appris dans le théorème d’incomplétude de Gödel.

L’apport indispensable d’informations externes pour décider d’un comportement est en effet une conséquence du théorème mathématique de Gödel qui, en bref, énonce qu’un système ne peut être à la fois complet et cohérent, ce qui se traduit notamment par le fait qu’un système cohérent possède nécessairement des états indécidables.

Prenez l’exemple d’une personne au mental puissant dont l’égo s’empare aisément puisqu’elle a toutes les raisons d’être sure d’elle-même. Ignorant Gödel ainsi que son esprit, elle ne peut donc admettre l’absence de décidabilité par principe et elle trouve toujours une bonne raison à toute chose, ne pensant réaliser aucun choix arbitraire. Le résultat de cette situation est que cette personne sera incapable de se rendre compte que certaines options qu’elle prend sont forcément téléguidées de l’extérieur ou inspirées par un intérêt inconscient. Cette situation sera cependant perceptible par d’autres et cette personne sera alors considérée comme dogmatique ou pleine de principes, tout à fait paradoxalement.

Ce syndrôme de Gödel, pourrait-on dire, affecte en conséquence des personnes parfois illustres et qui réussissent le mieux leur vie sur le plan professionnel, mais il affecte aussi inévitablement une société qui adopte le modèle matérialiste en réduisant les personnes à des machines ayant besoin de consommer. Il s’ensuit mathématiquement une dictature qui s’ignore et dont on peut se demander quelle peut bien être la source du dictat, puisqu’elle est forcément extérieure à la société.

Dans une société en crise en proie à des turbulences et dénonciations, le théorème d’incomplétude de Gödel peut aussi permettre de comprendre pourquoi certaines théories du complot sont injustifiées, alors même qu’il y a bel et bien toutes les apparences d’une préméditation mais qui ne mérite pas le nom de complot, puisqu’il s’agit d’un apport d’informations extérieures: le soit-disant comploteur est en effet à l’intérieur du système et n’est donc pas responsable au sens où il ne l’a pas fait exprès, consciemment. Le vrai responsable est la chose indéfinissable qui a pris les commandes qu’on lui offrait, car tout esclave cherche inconsciemment son maître.

Pour en revenir aux algorithmes du jeu de la vie, le problème avec les physiciens qui se sont laissé séduire par de tels programmes informatiques sans être des ingénieurs eux-mêmes, tout comme avec les personnes brillantes qui n’ont pas suffisamment de compétences sur un sujet qu’ils ne connaissent que par la littérature grand public, est qu’ils ont tendance à prendre, et c’est le cas de le dire ici, des vessies pour des lanternes en voulant se raccrocher à des principes simplistes. La différence entre un cerveau et une conscience est en effet du même acabit que celle entre une vessie et une lanterne: Stephen Hawking voudrait nous faire adhérer au principe simpliste que la lanterne émerge de la vessie à partir du moment où la vessie devient assez complexe pour être intelligente.

Heureusement, en France nous avons quelques physiciens à l’Esprit vif, comme par exemple Etienne Klein qui ne manque jamais une occasion de contredire Stephen Hawking lorsqu’un journaliste lui tend une perche, en se moquant de lui et en prétendant notamment qu’il n’est pas l’auteur de ses livres.

Revenons à la conscience: c’est justement parce qu’on est capable d’expliquer l’émergence d’une intelligence à priori sans bornes et simultanément sans l’ombre de la moindre parcelle de conscience qu’il importe de garder raison et de ne pas sombrer dans l’idée irrationnelle ou inculte (au choix) que la conscience pourrait être un produit du cerveau.

Il me semble que l’on pourrait même parler d’une propriété d’ « irrationalité de l’intelligence du mental» qui est tout simplement due à une confusion inévitable entre l’être et le paraître, dont il ne faut ainsi pas s’étonner qu’elle imbibe notre société. L’intelligence n’ayant pas le moyen de faire la différence entre les deux, par nature ou par incapacité à s’appliquer à elle-même les conséquences du théorème de Gödel, nie purement et simplement cette différence. Nos matérialistes devraient logiquement se demander, s’ils veulent bien aller jusqu’au bout de leur négation, si l’organisation de la matière un tant soit peu complexe autour de nous ne serait pas douée de conscience: les phénomènes météo, la croissance des plantes, les tremblements de terre, etc. Car il faut bien souligner que le degré de complexité à partir duquel leur émergence miraculeuse survient n’a fait l’objet d’aucune étude scientifique et que cette frontière est une invention de leur matérialisme.

Mais ce n’est pas cette croyance qui identifie le cerveau et la conscience qui est la plus irrationnelle. C’est plutôt la croyance qui lui est généralement associée selon laquelle l’Esprit n’existerait pas – en tant qu’entité distincte du cerveau. Là aussi, ce point est parfaitement contredit par la physique, même s’il reste encore à mieux comprendre ce qu’est l’esprit au delà d’une source d’informations.

Le raisonnement qui se trouve à la base de cette croyance matérialiste ne fait pas seulement une confusion mais ignore totalement les résultats de la physique moderne. Ce raisonnement part en effet d’une autre croyance selon laquelle nous n’aurions aucun besoin de surajouter à notre cerveau un esprit qui interviendrait dans la direction des évènements puisque tout ce qui arrive est déterminé de façon mécanique. Or ceci est complètement faux puisque les résultats accumulés par la physique moderne depuis 30 ans nous montrent que la physique est forcément indéterministe dans l’espace-temps 4D de la matière.

Le problème est que cette ignorance est bien entretenue par les médias pseudo-scientifiques qui s’abstiennent généralement de prendre des positions qui contredisent les deux ou trois dogmes à la base de la science (déterminisme, irréversibilité et darwinisme), alors que ces dogmes sont aujourd’hui très largement contestables.

Il n’est ainsi rationnellement plus possible de conserver une position matérialiste qui identifie le cerveau, l’esprit et la conscience sans paraître aujourd’hui dépassé aux yeux des personnes ayant étudié la question. Il y a encore deux décennies c’était pourtant le contraire: les matérialistes faisaient passer pour des niais ceux qui ne l’étaient pas. Que s’est-il donc passé entre temps ? C’est très simple: la mécanique quantique a confirmé ses résultats les plus étranges sur le rôle de l’observateur, les théories exotiques de grande unification ont atteint un degré de maturité respectable, notre conception du temps a été remise en question sérieusement et la mécanique classique a découvert son vice de forme libérateur: l’information physique, et mieux encore, l’information quantique indépendante de l’espace et du temps.

Je ne parle ici que de la physique mais des progrès notables ont également été effectués en biologie (onthophylogenèse par exemple) et en médecine, laquelle après avoir inventé l’effet placebo comme pour nous faire croire à un « effet » sous-entendu mécanique s’est retrouvée perplexe notamment face au phénomène des E.M.I. (N.D.E.).

Le problème de la légitimité grimpante d’une « science de la conscience » qui serait distincte de la neurobiologie est que la dissociation aujourd’hui largement respectable entre cerveau et conscience se mélange avec d’autres dissociations inévitables et pas des moindres: celles entre l’esprit et le cerveau et entre l’esprit et la conscience. Pourquoi donc rajouter un troisième acteur encore plus dérangeant, l’Esprit ?

Ce troisième protagoniste serait totalement inutile si la fonction de la conscience était purement passive. On pourrait alors concevoir la conscience comme un système d’observation, voire d’enregistrement du réel. Il faut en effet différencier ce qui est observé, qui dépend de notre cerveau, de ce qui est réel c’est-à-dire contenu dans notre espace-temps d’informations.

La différence majeure entre un robot et un être conscient serait alors que le robot n’observe pas la réalité contrairement à la conscience. Mais intervient alors un autre problème : l’observation semble non seulement enregistrer mais aussi créer la réalité, au moins en partie à l’échelle microscopique, d’après l’enseignement de la mécanique quantique.

La conscience serait-elle donc finalement active dans le présent ?

Pas nécessairement, car rien n’empêche de penser que la conscience ne fait que mettre à jour ce qui existe déjà dans le réel quantique mais qui n’est pas enregistrable sans elle dans le véritable réel unique (classique) que nous connaissons. Ce n’est pas parce que la mécanique quantique semble nous dire qu’il y a bien création au sens de l’introduction d’informations dans l’espace-temps que cette création est du ressort de la conscience. La mécanique quantique nous dit seulement que ce qui est créé n’est pas le résultat du passé. Or dans une nouvelle conception du temps où le futur serait déjà réalisé, il est aventureux de prétendre que la conscience aurait une fonction créatrice, car elle pourrait simplement actualiser une réalité déjà préparée dans le futur.

S’il subsiste une fonction créative de la conscience, elle est donc de toute évidence atemporelle et il parait judicieux d’introduire à ce titre l’entité « Esprit » qui agirait sur la réalité mais seulement là où c’est possible c’est-à-dire dans le futur déjà présent, voire dans un futur très proche occasionnellement. J’ai donné les arguments physiques en faveur d’une telle fonction de l’esprit dans ma conférence à l’Institut de France.

En conclusion, il est aujourd’hui non seulement possible mais surtout rationnel d’avoir une vision claire de « qui nous sommes » à condition de décliner notre identité selon trois réalités aux attributs distincts:

  • Le cerveau, accompagné du mental, de l’intelligence neuronale et des instincts inconscients: une réalité physique destructible purement matérielle, un corps, un habit, un véhicule.
  • La conscience, accompagnée de l’ego, des émotions, sensations et sentiments conditionnés: une interface entre le monde matériel (matière ou information manifestée) et le monde non matériel (information quantique ou non manifestée), intimement liée au présent et à ce titre… possiblement destructible sauf pour sa partie éventuellement non matérielle (âme ?).
  • L’Esprit, accompagné du libre arbitre, des sentiments non conditionnés, d’une « intelligence du cœur » non neuronale (vibratoire ?): une réalité possiblement indestructible car non matérielle, source d’informations agissant hors du temps sur toute l’étendue de notre ligne temporelle.

J’ajoute que l’esprit pourrait avoir une conscience non matérielle qui ne se révèlerait qu’après la mort ou dans des circonstances exceptionnelles (E.M.I par exemple). Si l’on en croit certains travaux à ce sujet, il pourrait s’agir d’une conscience encore plus éveillée et de meilleure acuité que la conscience ordinaire, laquelle serait au rêve ce que la conscience de l’Esprit serait à la conscience incarnée. Autrement dit, après la mort se réveillerait-on ?

Quoi qu’il en soit, cette différentiation que nous venons de faire entre le cerveau et la conscience, en introduisant l’esprit et le libre arbitre, a pour vertu de fournir un cadre explicatif aux coïncidences et aux synchronicités en rendant plus crédible le modèle fourni ici.

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